--Jeandelize


JEANDELIZE	PUXE	BONCOURT

Ces trois villages si proches de Jarny ont sans doute moins souffert que leurs voisins jarnysiens, mais dans cette région si proche de la frontière, la population ne se méprend pas sur la gravité de la situation et elle pressent l'imminent conflit à certains indices :

- les renseignements ramenés par les ouvriers des usines et des mines du bassin de Briey (départ des ouvriers allemands, par exemple).
- le retour précipité à Labry le 28 juillet par train spécial du 16ème bataillon de chasseurs passé à Jeandelize le 20 juillet pour se rendre à ses tirs de guerre habituels.
- rentrée à une heure inhatituellement précoce des ouvriers qui, en fait, ont été payés et congédiés par leurs employeurs.
- avancement des heures "des trains d'ouvriers" par la compagnie des Chemins de fer de l'Est, à Conflans particulièrement, pour évacuer son personnel, le matériel et les archives.
- interruption totale des communications téléphoniques et télégraphiques avec Nancy le 31 juillet
- arrêt de 25 locomotives en gare de Jeandelize en attente pour passer leur tour puisque l'importante ligne Metz-Verdun ne possède qu'une seule voie.
- 1er août 5h du matin arrivée silencieuse du 16ème bataillon de chasseurs : les casernes de Labry à peine terminées se trouvent à portée des canons d'Amanvillers.

L'ordre de mobilisation arrive à Jeandelize le 1er août vers 19 heures et pour ne pas effrayer la population l'ordre de sonner le toscin ne sera pas donné.

Jusqu'au 17 août, l'institueur -rapporteur anomyme de ce récit-, va s'occuper du ravitaillemnt des 1500 chasseurs ainsi que du ravitaillement en farine pour Jeandelize, Puxe et Boncourt.
Le commandant Chenèble lui apprend la déclaration de guerre dans la matinée du 4 août.

Pendant une huitaine de jours, il voit des populations italiennes et même françaises s'enfuir dans un grand désordre dans une gare qui ne peut accueillir que petit à petit ce grand nombre de voyageurs.

Le dévoué chef de gare organise le trafic et lui fait délivrer près de 10 000 laissez-passer pour Reims, Châlons, Paris ou l'Italie.

A partir du 7 août les populations terrorisées de Jarny et Conflans occupées par les allemands la veille, précipitent leur départ. Tous ces gens tombant de fatigue font preuve de grand courage : deux femmes ont accouché dans la nuit sous les fenêtres du narrateur sans qu'il ait entendu ni plainte, ni appel...

Il est aussi sollicité par le capitaine Mabille de la défense de Verdun et par le commissaire spécial Harreguy pour l'organisation de plusieurs missions confidentielles... De jeunes volontaires connaissant à fond la région eurent vite fait de "brûler" les petits postes ennemis installés à 2 ou 3 km de la commune.

Le 17 août, sans raison apparente le 16ème bataillon de chasseurs se replie sur Buzy. Le Commandant Chenèble assure que Jeandelize ne verra aucun allemand ... Mais, en fait, à 8h du soir une patrouille de six dragons armés de lance se dirige directement vers la gare où ils doivent sans doute détruire les appareils télégraphiques ...sauf que M.Boiley, chef de gare intérimaire, avait mis ces derniers en lieu sûr.

Les cavaliers restent en faction une heure environ aux diverses entrées du village sans molester qui que ce soit. Après avoir bu et payé leurs bouteilles de vin au café, ils repartent ves Conflans sans détruire les barrages défensifs placés aux abords du village.
Le 18 août, le 16ème bataillon revient à Jeandelize pour repartir le 22, appelé en renfort vers Langres et Spincourt.

Le 23 août, les premiers soldats apparaissent sur la route de Puxe... Mais ce sont des allemands.

Sur l'ordre d'un officier, les soldats réquisitionnent tous les seaux, récipients et baquets. Ceux-ci sont alignés dans le caniveau le long de la route. Les soldats, se succédant sans interruption, puisent à l'aide de leur quart, l'eau pour étancher une soif causée par une longue nuit de marche. Les civils sont tenus à ce que l'eau ne manque pas tout en buvant d'abord ... les allemands craignant d'être empoisonnés.
Sur la route de Conflans défilent de nombreuses voitures d'officiers et de lourdes pièces d'artillerie.

Le 24 août vers 4h du matin, une patrouille de dragons venant de Puxe traverse le village à allure forçée vers Thuméréville suivie de près par le 350 RI français en formation de combat. Le tac-tac des mitrailleuses direction Conflans -Buzy et Boncourt signent la bataille.

L'école et sa cour, avec la salle à manger de l'instituteur comme salle d'opération , puis l'église servent d'hôpital. Le service sanitaire fait hisser au faîte de ces bâtiments le drapeau de la Croix Rouge. Précaution inutile car vers 4h du soir le village est bombardé pendant une heure. Quand les médedins, qui ont continué à opérer pendant le bombardement, reçoivent l'ordre de se replier, ils conseillent au narrateur d'évacuer avec sa famille vers Buzy.

Le 25 aôut au matin la famille passe par le champ de bataille de Buzy qui s'étend jusqu'à Etain vidée de sa population.
A Eix, ils peuvent prendre un train pour Verdun non sans avoir essuyé un tir d'une patrouille de uhlans et en passant un moment dans les tranchées françaises. Il arrivent à Bar-le-Duc vers 8h du soir.

Le 27 août au matin toute la région comprise entre Conflans et Etain est occupée par les allemands et les troupes françaises sont repliées sur les Hauts-de-Meuse. Le 28 août, la famille rejoint les siens à Nancy où il prendra un poste à l'école supérieure dès le 1er octobre 1914.
Par la suite il apprendra que toute la population de Jeandelize a été presque totalement évacuée dès les premiers jours de l'automne 1914.

Pour finir il a été très occupé à rédiger des attestations et des certificats qu'il a pu délivré en qualité d'ancien secrétaire de mairie à Jeandelize pour faire rapatrier en Suisse des chefs de famille en captivité en Allemagne .

Texte consensé : Août 1914 en Meurthe et Moselle. Dictionnaire des communes sinistrées. Jeanne Vincler

Illustrations : 1- 2- 4- 5- 6- 7- Internet