Ecoulement de la production

 

5. L'écoulement de la production


Les informations sont là encore assez limitées. Voyons tout d'abord
les prix de vente. Rappelons qu'en l'an II, avec la loi sur le maximum,
les prix sont pratiquement fixés par l'État (139). L'enquête de l'an VI nous
donne pour Jarny : la rame de 6 kg de propatria à 12 livres, celle de 5 kg
de double C à 5 l . , celle de papier Saxe de 5,5 kg à 11 l . et celle de papier
gris de 6 kg à 1 l . seulement (140) . Les comparaisons entre fabriques sont
délicates, en raison des différences de format et de poids .

 

139) F12 154425 .
140) F" 1558B
.

 

En 1812, les prix à la rame sont à Jarny « le format double, le poids
de 5 kilogrames 6 F. Le propatria pesant 7 kilogrammes 8 F. » (141) .
(Notons pour Dilling que certains papiers spéciaux peuvent valoir très
cher : 16 F la rame de 7 à 7,5 kg de grand poste au format de 13 sur 16) .
Quant au carton, nous en connaissons la valeur pour 1826 : « 25 F
le cent » (141) .
A la lecture des sources, il est possible de conclure que la vente des
produits de la papeterie de Jarny se faisait dans le cadre de l'ancien département
de la Moselle, principalement à deux endroits, Metz et Sarralbe Sarreguemines.

Nous savons qu'en 1806, les services de la préfecture utilisaient du
papier au filigrane « FA YON » (cf. supra). Cette vente directement au
chef-lieu est confirmée par l'enquête de 1812 : « le débouché est à
Metz »(142). En 1826, il est précisé que « la ville de Metz et Saralbe seules
ont toujours acheté les produits au fur et à mesure de la fabrication »(142) .
C'est la production de carton que la zone d'écoulement des produits
s'est étendue aux rives de la Sarre : « cartons propres au service des fabriques
de tabatières qui se font dans les environs de Sarreguemines » (143)
dans les années 1810; Sarralbe, en 1826, nous venons de le voir ; « autrefois
renommée pour les beaux papiers et cartons qu'elle fournissait pour
la fabrication des tabatières de Sarreguemines »(144) . Créée en 1776 par
un meunier des pays de Nassau (145), cette industrie de la tabatière en
papier ou carton est à l'origine souvent une activité artisanale. Elle se
pratique, par exemple, sous cette forme à Ensheim (Allemagne) au
XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, nous en trouvons aussi à Forbach, Marienau,
mais aussi à Pont-à-Mousson et Blénod-lès-Pont-à-Mousson. Pierre
Adt, au milieu du siècle permettra un accroissement de la production
par une fabrication industrielle (146). Ars-sur-Moselle fournit du carton
aux fabriques de Sarreguemines et Sarralbe (147). Cette partie de l'activité
de la papeterie de Jarny répond donc à un besoin du marché. Nous avons
vu que peu avant sa mort, Charles Fayon a voulu lui-même produire des
tabatières, répondant à la constatation de Colchen au début du Consulat :
« cette branche d'industrie, qui chaque jour prend un nouvel accroissement
et se perfectionne ».


141) 227 M.
142) Idem .
143) VERRONNAI S , Annuaire, de 1811 à 1816. La lecture de VIVILLE, op. cit. , t. 2, p. XI , parlant
de cartons pour les tabatières de Sarreguemines semble exclure Jarny de la liste . COLCHEN, op.
cit. , p. 147 , précise que << l'entrepôt général est à Sarguemines >>.
144) VERRONNAIS, Annuaire pour 1844, p. 197 .
145) VIVILLE, op. cit. , p. 147 .
146) H. WILMIN, << Les Adt à Forbach >>, dans Les Cahiers lorrains, no 3, juillet 1978.
147) 227 M, enquête de 1829 .


L'écoulement sur place ou dans les villages voisins s'est peut-être
produit, mais nous n'en avons pas trouvé trace. En revanche, en examinant
les filigranes des papiers utilisés dans le secteur de Jarny, on découvre
quelques noms d'autres papeteries : papier double C, au nom de N .
FORTIN (148) ; I . PARQUA Y sur papier blanc propatria, ROLLAND et
double C sur papier bleu (149) ; double C, J. MARIN (150), des papeteries
d'Ars .
Le réseau commercial reste encore à un niveau très primaire. « La
vente se fait directement par les sieurs Fayon aux marchands » (151) . En
cette année 1826, les autres usines mosellanes font de même : « la vente
se fait directement par les propriétaires de ces établissements aux marchands
des villes intérieures » .
La position topographique de Jarny n'est pas mauvaise. Le village
est situé sur une route d'une certaine importance, permettant de joindre
Metz et au-delà à l'est, Etain, Verdun et Paris à l'ouest, sans compter les
Ardennes et le nord du pays (152) ; Jarny est aussi un relais de poste sur ces
axes, propriété de Claude-Louis-Nicolas Bertrand, en 1833 (153) .
Si la production d'Ars ne sort pas du département à la fin de l'Empire,
celle de Dilling s'écoule aussi dans les départements limitrophes et jusqu'à
Paris. Eguelshardt a Strasbourg pour principal débouché (151). Quant à
Mainbottel, fermée à cette époque, ses ambitions varient, selon les périodes,
de la Lorraine du nord à la Flandre, puis la capitale de la France,
tout en souhaitant une ouverture du marché sur « les différents états de
l'amérique » (154).



148) ADMM, w 0 3133, Thumeréville, registre des délibérations ouvert en l'an IX; presbytère Jarny,
<< Titres . . . >>, certains des cahiers des délibérations de la fabrique, sous l'Empire.
149) « Titres . . . >> , idem.
150) Idem et AC 92-1 L 1 (compte de gestion de Brainville, an XIII ) . Papier « J J MARIN >>, double
C, en 1818 à Ville-sur-Yron (w 0 3447 ) . (Joseph Marin, papetier à Ars est aussi maire de la commune.
Cf. la lettre de M. André Michel, d'Ancy-sur-Moselle, que je remercie ici) .
151) 227 M .
152) Cette route e st connue depuis longtemps sous les termes « Route de Metz à la Flandre par
Etain >>. Sur cet axe , voir en particulier M. DE SAINT-MARTIN, « Extrait des notes historiques sur
les routes impériales et départementales de la Moselle au 1er janvier 1856 >>, dans Mémoires de
l 'Académie impériale de Metz, 38' année, 1856-1857.
153) Actes relig . . . . Jarny, acte du 14 août 1833 .
154) P2 1484 : (An II) , « débouchés : Metz, Thionville, Longwy, Etain, Verdun, Briey , Stenay,
Montmedy, Sedan, Carignan, Flandre, Bar-sur-Ornée [pour Bar-le-Duc] >>. 227 M : (1826) , « la plus
grande èonsommation des papiers se faisait à Paris, maintenant, vu la détresse extrême de la librairie
dans la capitale, il y a dans mon usine tant de papier d'impression confectionné que je ne sais plus où
le loger >>.

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Date de dernière mise à jour : 02/02/2021