24° anniversaire août 1914
24ème ANNIVERSAIRE
DES SANGLANTES JOURNÉES D'AOUT 1914
CONFLANS - JARNY
La foule et les personnalités autour du monument des Fusillés
Cérémonie sur l'emplacement où furent fusillés les Italiens
C'est par un temps idéal et devant une nombreuse assistance que s'est déroulée la cérémonie commémorative organisée par
la municipalité en souvenir des victimes civiles de la guerre et des enfants de Jarny , morts au champ d'honneur,
commémoration du 24e anniversaire des sanglantes journées des 25 et 20 août 1914 .
Dépourvue de tout apparat officiel, cette fête du souvenir avait, comme les années précédentes, un caractère purement local,
qui lui donnait d'autant plus d'éclat dans sa simplicité.
A 9 heures du matin, devant l'hôtel de ville, M. Rouy, maire de Jarny , entouré de ses adjoints et des membres du Conseil,
recevait les personnalités locales invitées à la cérémonie.
Nous avons pu remarquer parmi l'assistance la présence de MM. Beugnet, conseiller général et conseiller municipal de Jarny ;
Maire, directeur des mines de Droitaumont; Bourguin, des mines de Jarny ; le docteur Bastien; Gautier, directeur général, et
Chocque, directeur commercial des Brasseries Union Messine et de Jarny ; Loigerot, ingénieur de la Société Energie-Eclairage;
les chefs de dépôt et de l'entretien de la Gare de Conflans-Jarny et les présidents des sociétés locales.
9 h. 30, le cortège, en tête duquel avaient pris place les porte-drapeau des sociétés de Jarny et des environs, encadrés par les
sapeurs-pompiers de la ville, se rendit à l'église paroissiale où un service était célébré à la mémoire des victimes civiles et
militaires.
Comme pour toutes les grandes cérémonies, l'église était trop petite pour contenir l'affluence.
Du sermon prononcé par un abbé, nous retiendrons particulièrement l'évocation du martyre des innocentes victimes et les
paroles élogieuses à l'adresse de l'abbé Léon Vouaux, frère M curé de la paroisse; du maire, M. Henri Génot, et de leurs
compagnons fusillés lâchement par les Allemands.
A l'issue de la messe, un imposant cortège, précédé du clergé, des scouts, des gymnastes de l'Amicale laïque et de l'Harmonie
municipale, se rendit à la croix élevée, rue Albert-1er, à la mémoire des civils italiens fusillés. Des gerbes furent déposées par
le maire et les représentants des délégations italiennes.
Empruntant le petit chemin de la tuilerie, le pèlerinage se poursuivit pour s'arrêter au monument élevé à la mémoire de
MM. Génot, maire de Jarny, l'abbé Léon Vouaux, Mrs Bernier et Fiedler otages fusillés à cet endroit. Après les suffrages
religieux, la sonnerie aux morts et le dépôt de nombeuses gerbes, M. Rouy, maire de Jarny prononça l'allocution suivante :
<< Mesdames, Messieurs,
mes chers Concitoyens,
Aujourd'hui à nouveau, poursuivant une émouvante tradition, nous nous trouvons réunis en ce lieu désormais sacré pour
apporter à ceux de nos concitoyens qui moururent, lâchement frappés par un ennemi implacable, l'hommage de notre
indéfectible reconnaissance.
La foule chaque année plus imposante qui prend part à ce pélerinage, démontre combien chacun de nous conserve au fond
de lui-même le souvenir de ces hommes de bien qui tombèrent victime de leur devoir.
Voici 3 ans, en ce même endroit, j'ai rappelé dans le détail ce que furent ces journées des 25 et 26 août 1914.
Il semblerait presque pour tous ceux qui, trop jeunes, n'ont pas connu cette époque terrible, je doive le rappeler chaque année,
cependant, je ne le pense pas, car chacun de nous sait que si nous avons le devoir de venir ici en ce douloureux anniversaire
exprimer notre grattitude à ceux qui payèrent de leur vie, leur amour de la patrie, le sentiment qu'ils avaient de l'honneur et
du devoir ; c'est une obligation non moins impérieuse pour ceux qui restent que d'apprendre aux jeunes, à ceux qui n'ont pas
vécu ces journée tragiques, avec quel cœur, avec quelle résignation, avec quel sublime courage ceux qui sont tombés ici même
ont fait leur devoir.
Leurs yeux se sont fermés sur une vision d'horreur. Jarny n'était plus qu'un immense brasier des morts partout : dans ce
jardin devant lequel se dresse la croix où nous nous sommes arrêtés tout à l'heure, dans la cour des écoles, dans les rues,
des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards.
Vision d'horreur, oui, mille fois oui. Vision d'horreur et d'épouvante. Et C'est pour que nos enfants ne revoient jamais celà
qu'il faut leur dire, qu'il faut leur apprendre, pour qu'ils le sachent bien, ce que fut cette guerre infâme et qu'ils conservent
pour tous ceux qui en furent les héros le culte du souvenir.
24 ans déjà se sont écoulés.
La victoire est venue récompenser le courage de nos soldats, mais tous nos concitoyens, M. Génot, conservent intacts les
sentiments de reconnaissance et d'admiration que votre courageuse attitude leur a si impérieusement imposés.
Nous ne laisserons pas votre mémoire s'évanouir dans l'oubli et chaque année, nous reviendrons vous apporter ici, ainsi
qu'à M. l'abbé Léon Vouaux, M. Bernier, à M. Fiedler, l'hommage d'une reconnaissance que rien ne pourra tarir. Nous nous
souviendrons toujours de votre exemple et si l'avenir nous apporte des heures difficiles, c'est sur la voie que vous nous avez
tracée que nous chercherons le chemin de notre devoir.
Et c'est sur ces mots que j'en terminerai en renouvelant à Mme Henri Génot et à ses enfants, à M. l'abbé Auguste Vouaux
et à toutes les familles des victimes de ces tragiques journées, l'expression de la reconnaissance émue et attristée du Conseil
municipal et de notre population jarnysienne tout entière.
Puisse l'hommage rendu à la mémoire de leurs glorieux et chers disparus apporter un peu d'apaisement et de consolation à
leur très grande peine. >>
AU MONUMENT
Aux accents d'une marche funèbre, le cortège se rendit ensuite par l'avenue de la République au monument des enfants de
Jarny morts au champ d'honneur et des victimes civiles de la guerre, où des gerbes et des palmes furent déposées par le maire
et les représentants des sociétés.
Après le «De Profondis» et les sonneries aux morts et «Ouvrez le ban» attentivement écoutés par toute l'assistance, M. le
Maire prononça ce beau discours :
<< Mesdames, Messieurs,
mes chers Concitoyens,
Ainsi que je vous le disais tout à l'heure je suis chaque année très profondément; touché de constater en cette journée com-
mémorative des 25 et 26 août 1914 , combien le culte de nos camarades disparus reste vivace dans le cœur de chacun de nos
concitoyens.
Chaque fois, en effet, une foule plus imposante tient, en suivant ce pieux pèlerinage, à venir s'incliner devant ce monument
pour redire aux camarades tombés pour la France qu'elle n'oublie pas ceux qui sont morts pour le salut de la patrie.
Tragique et bel exemple, que celui de ce glorieux passé, où des hommes groupés en une fraternelle union, ont confirmé tout
l'espoir mis en eux et ont prouvé que l'âme française ne s'inclinerait jamais devant la force qui tenterait de lui ravir sa liberté.
C'est une vivante et dure leçon qui doit rappeler plus que jamais à ceux qui survivent, qu'ils ont mission de parfaire l'œuvre
de paix qui fut la suprême espérance de nos aînés.
Ici mieux qu'ailleurs, nous sentons jusqu'où peut aller la folie des hommes qui rejetant l'esprit de fraternité pour s'inspirer de
l'esprit de haine, voudraient confier à la force brutale le soin de réaliser leurs appétits dominateurs.
La liste innombrable des victimes de la guerre, les souffrances des survivants, les dévastations, les ruines, la misère, tel est le
triste bilan de toutes les guerres. Il faut le rappeler à ceux qui seraient tentés de l'oublier et c'est là faire œuvre de paix. C'est
faire œuvre de paix, car à une heure où de l'autre côté des frontières des hommes, dans une lutte fratricide, re nouvellent une
si pénible expérience, à l'heure où, pour se protéger, tous les peuples s'engagent dans une ruineuse course aux armements, il
apparaît plus nécessaire que jamais de faire entendre la voix de nos aînés tombés sur le champ de bataille.
Du fond de leur tombe, où ils demeurent mystérieusement alignés dans un fraternel coude à coude, ils nous crient de nous ai-
mer comme ils se sont aimés à l'heure du péril, d'aimer la France pour laquelle ils sont morts et de trouver dans cet amour la
force de surmonter les épreuves passagères qui semblent avoir mis en danger notre unité nationale.
Et c'est cet esprit de fraternité qui nous permettra de rendre à notre pays son prestige un moment compromis, en
rapprochant dans une union sacrée tous les fils de la patrie.
Une nation divisée risque d'être une proie facile qui pourrait tenter les peuples qui n'ont d'autre culte que celui de la force.
Dans l'union, au contraire, nous sommes certains de trouver la sécurité et aussi le bien-être de nos foyers.
Et c'est à ce travail de pacification que nous devons mettre tous nos efforts, car il ne doit pas être dit qu'un peuple qui a écrit
dans son histoire de si nobles exploits pour assurer dans le monde la glorieuse survivance de la justice et de la liberté, peut,
à 20 ans de distance, perdre le sens des rudes leçons que la guerre lui a imposées.
Frères de nos morts, nous devons renouveler en cette journée commémorative, le serment de poursuivre leur œuvre,de paix,
de sauvegarder l'héritage glorieux qu'ils nous ont légué, et de favoriser par nos paroles et plus encore par nos exemples, le
rapprochement de tous les citoyens sous les plis du drapeau national.
Pour l'honneur de la France, pour la grandeur de la République, nous ne faillirons pas, j'en suis convaincu, à cet impérieux
devoir et réaliserons ainsi le suprême espoir de ceux dont nous honorons aujourd'hui la mémoire.
C'est sur ces mots que j'en terminerai en vous demandant d'observer en leur souvenir une minute de silence.>>
La minute de silence terminée, une vibrante «Marseillaise» clôtura cette touchante cérémonie du souvenir.
J. Perrin.
Archives Républicain Lorrain 29-08-1938
Date de dernière mise à jour : 06/10/2025