Villes et villages martyrs (Gérald Sawicki)

De la violence de guerre à la victimisation. Les villes et les villages martyrs de Lorraine pendant la Première Guerre mondiale

Gérald Sawicki

Source :  Histoire@Politique


Résumé :

Les villes et villages de Lorraine connurent deux grands types de martyres pendant la Première Guerre mondiale. Le premier était lié aux atrocités allemandes lors de l’invasion de l’été 1914, le second à des bombardements aériens ou d’artillerie répétés tout au long de la guerre. Dans les deux cas, la violence de guerre abolissait la frontière entre civils et combattants. Les cités martyres devinrent un thème privilégié de la guerre du droit et leur mémoire fut entretenu pendant tout le conflit. Celle-ci demeure localement bien vivante encore aujourd’hui, comme à Nomeny ou à Gerbéviller.

Mots clés : atrocités allemandes ; Lorraine ; martyre ; violence de guerre ; Première Guerre mondiale ; ville ; mémoire.

Les chiffres en gras, sont les N° des notes en fin d'article.

Au cours de l’invasion allemande du Nord-Est de la France durant l’été 1914, plusieurs villes et villages de Lorraine subirent de manière presque simultanée un sort identique traduisant l’extrême violence du conflit. Du 20 au 25 août 1914, en Meurthe-et-Moselle, au moins 346 civils furent tués par les troupes allemandes et treize localités du département furent partiellement ou entièrement détruites. Nomeny et Gerbéviller en furent les principaux symboles. Dans cette dernière localité, 455 habitations sur 475 furent incendiées et, dès l’automne 1914, la ville fut surnommée « Gerbéviller-la-Martyre » en mémoire de cette tragédie. De même, quand le village de Nomeny reçut la Légion d’honneur le 28 septembre 1928, les premiers mots de la citation le désignèrent comme « cité martyre ». Ce terme s’imposa assez vite et joua un rôle non négligeable dans la guerre de propagande que mena la France contre l’Empire allemand. Il s’inscrivait dans le cadre des « atrocités allemandes », désormais bien étudiées grâce aux travaux de John Horne et d’Alan Kramer 01.

Cette notion de martyre connut une certaine extension. Elle fut aussi utilisée pour exprimer le sort d’autres localités de Lorraine, qui souffrirent au cours de la guerre d’intenses bombardements comme dans la zone rouge de la bataille de Verdun de 1916 où, à l’issue de la guerre, six communes furent déclarées « mortes pour la France ».

Cet article souhaite analyser l’ampleur des conséquences de la Grande Guerre en Lorraine. Dans quelle mesure la réalité, mais aussi la mémoire des combats eurent-elles un effet sur l’espace vécu ? De quelle manière s’exerça la violence de guerre en Lorraine ? Comment et sous quelles formes furent entretenus le souvenir et la transmission de la mémoire de ces événements, toujours vivace localement ?

Août-septembre 1914 : l’entrée en guerre des communes lorraines

Sur le front Ouest, près de 6 500 civils furent tués au cours des premières semaines de la guerre, dont plus de 900 en France. Le département de la Meurthe-et-Moselle fut le plus touché. Les soldats wurtembergeois du XIIIe corps d’armée y tracèrent dans le nord un « sillon de destruction », qu’égala celui de la VIe armée allemande dans le sud du territoire(2) Rien que pour les dix-sept localités concernées par au moins dix exécutions, on compte 409 civils tués et plus de 1 900 maisons incendiées volontairement(3). Les exemples les plus marquants furent Audun-le-Roman (13 civils tués, 210 maisons détruites sur 225), Nomeny et Gerbéviller (55 et 60 morts respectivement, villages détruits), Jarny (25 fusillés, dont 15 Italiens), Badonviller (12 civils tués, village détruit à 72 %), Fresnois-la-Montagne (51 civils exécutés, dont 17 femmes, 102 maisons brûlées), Longuyon (60 victimes civiles, 213 maisons incendiées). À ces lieux emblématiques s’ajoutèrent des exactions et des incendies dans une trentaine d’autres localités(4). En Meuse, une vingtaine de communes furent concernées, dont certaines très fortement, comme Rouvres avec 47 fusillés et 150 maisons brûlées(5). Dans les Vosges s’égrènent une petite dizaine de noms comme Senones, Saint-Dié ou Raon-l’Étape(6). Mais les « atrocités allemandes » ne se limitèrent pas à la Lorraine française. Le 20 août 1914, des soldats bavarois se livrèrent à des représailles, non loin de Morhange, à Dahlain en Lorraine annexée. L’église et une quarantaine de maisons furent incendiées, plusieurs habitants furent fusillés et 65 autres déportés(7).

Du dépouillement des lettres écrites par les soldats allemands, les autorités françaises prirent rapidement conscience de la « dévastation systématique » se déroulant en Lorraine. Pour elles, l’incendie des villages ainsi que les mises à mort des habitants étaient des « mesures générales(8) ». En observant les moyens utilisés pour propager les incendies, elles crurent même à un « plan dûment arrêté et prémédité(9)». Plus encore que le meurtre, l’incendie était en effet un des procédés usuels des troupes allemandes. Le matériel incendiaire comprenait des torches, des grenades, des fusées, des pompes à pétrole, des baguettes de matière fusante et des sachets contenant des pastilles composées d’une poudre comprimée très inflammable(10). De grandes quantités d’étoupe furent saisies, notamment dans la cartouchière d’un sous-officier bavarois(11). La découverte la plus probante fut un cordon incendiaire trouvé le 18 septembre 1914 à Fleury-sur-Aire (Meuse) lors de la réoccupation du village par les troupes françaises. Ce dispositif, placé à l’entrée des maisons, consistait en une mèche lente de mine (ou cordeau Bickford) percée par intervalles et entourée, de distance en distance, d’enveloppes de tissu grossier mais résistant. Ceux-ci renfermaient une poudre vive, qui, par sa combustion, développait une température très élevée pouvant par la suite provoquer un incendie(12).

Les rapports de la commission d’enquête française étaient remplis de récits d’atrocités décrites le plus souvent de manière clinique, en particulier celles assorties de mutilations. Ce qui frappa également les autorités françaises fut les crimes « très nombreux » commis sur les enfants(13). L’un des plus terribles se déroula à Sommeilles (Meuse). Le 12 septembre 1914, les soldats français, qui avaient reconquis le village, découvrirent dans la cave d’une maison incendiée par les Allemands sept cadavres : un homme d’une soixantaine d’années, qui avait les yeux bandés et qui avait été fusillé ; une femme du même âge ; une femme de 35 ans environ, ayant l’avant-bras droit coupé et entièrement séparé du corps, ce membre avait été jeté à quelques mètres du cadavre, de plus les vêtements étaient arrachés, la femme semblait avoir été violée ; une fillette d’une douzaine d’années, couchée sur le dos et dans une situation semblant indiquer qu’elle avait été aussi violée ; enfin, trois enfants de 5 à 10 ans, dont deux avaient eu la tête tranchée et jetée près du corps(14). Paul Matter(15), directeur du Contentieux et de la Justice militaire du ministère de la Guerre, écrivait à ce propos :

« On se refuserait à croire possible de pareils forfaits s’ils n’étaient attestés par le commandant du 18e bataillon de chasseurs à pied et deux officiers qui ont signé avec leur chef de corps, et par le médecin-major du 19e chasseur à cheval, lequel a procédé à l’examen médical des victimes(16). »

« Les attentats contre les femmes et les jeunes filles ont été d’une fréquence inouïe » soulignait également la commission d’enquête française, qui, en avait établi « un grand nombre », notamment en Lorraine(17). Des témoignages recoupés et publiés pendant la guerre l’attestèrent de manière crédible(18), même s’il est encore difficile d’en quantifier leur nombre exact, la honte ressentie par les victimes tendant aussi à sous-estimer leur incidence(19).

Des soldats allemands s’opposèrent ou s’indignèrent de telles pratiques. À Nomeny, dans une infirmerie installée dans une maison, ceux-ci se montrèrent « gentils », d’après une survivante, Mlle Jacquemot :

« Ils nous consolent. Ils nous disent que ce sont leurs officiers qui les forcent à incendier et à fusiller. L’un des soldats nous parle en français. – Je suis Lorrain, moi aussi, dit-il. Je suis de Novéant(20). J’ai une mère… Il pleurait(21). »

À Gerbéviller aussi, quelques rares soldats du XXIe corps d’armée bavarois s’émurent. Devant l’incendie de la maison du docteur Labrevoit, un officier dit à ce dernier : « Votre pauvre pays ! », « Çà, c’est du vandalisme(22). » De même, incapable de se mouvoir, l’ancien notaire M. Flornoy fut sauvé des flammes par l’intervention de soldats, qui l’emportèrent dans un drap hors de sa maison. Des soins furent aussi dispensés à quelques habitants à la brasserie et à la scierie du village(23).

Les autorités françaises avaient bien remarqué, grâce aux lettres prises aux soldats allemands, la véritable hantise que ceux-ci manifestaient à propos de francs-tireurs accusés eux aussi de se livrer à des atrocités (mutilations)(24). Le souvenir de la guerre de 1870 où les Allemands avaient effectivement dû combattre des civils armés resurgit. Les exécutions sommaires, les incendies de villages furent alors considérés comme des représailles légitimes à une guerre illégitime, à une Volkskrieg, une résistance civile généralisée. John Horne et Alan Kramer ont fait justice de cette illusion collective, de ce « mythe du civil franc-tireur » de 1914(25), favorisé par diverses raisons, dans un contexte de violence inouïe, où l’ensemble des belligérants découvrait la mort de masse(26).

Des coups de feu purent néanmoins être ponctuellement tirés par des civils(27). Une tradition orale à Gerbéviller relate que, rue de la Vacherie, qui flanquait l’approche allemande vers le pont, des civils auraient tiré sur les troupes allemandes et tué un major(28). Un rapport rédigé par le maréchal-des-logis Ernst, employé au service de renseignement français de Belfort, semblait le confirmer concernant Saint-Dié dans les Vosges. Alors que le 27 août, un bombardement allemand s’effectuait sur les maisons de la rue d’Alsace et que les habitants se réfugiaient dans les caves :

« À 13 heures 1/2, les Allemands entrent et la fusillade s’engage au commencement de la rue d’Alsace avec des civils qui tirent des maisons Damisch et café militaire, ils tuent 7 Allemands(29). Les Allemands furieux alors s’emparent des civils, les fusillent et font sortir femmes et enfants à coups de crosse, mettent ensuite le feu à tout le quartier(30). »

Un quotidien de Nancy l’admettait également en recommandant à la population « de la prudence et du calme » et de ne pas « se servir de ses armes » :

« Il ne faut pas – comme des patriotes irréfléchis l’ont fait en plusieurs de nos villages et de nos bourgades – il ne faut pas, par un coup de feu isolé, des bravades inutiles, des menaces stériles, de la part des civils, attirer de terribles représailles, d’autant plus cruelles que nos ennemis sont plus excités par leurs pertes et leurs échecs successifs(31). »

Le préfet de Meurthe-et-Moselle, Léon Mirman, fit publier une déclaration où il rappelait aux habitants du département « les devoirs des non-combattants ». Même si « dans les communes martyres » qu’il avait visitées, « aucun fait » ne permettait de justifier l’accusation allemande de franc-tireur, les maires protestant même contre celle-ci avec « la dernière énergie », il condamnait fermement le cas échéant tout acte de cette nature(32).

Dans un mémorandum en date du 19 août 1914, le gouvernement français réfutait les allégations allemandes de « participation à la guerre de la population civile » en s’appuyant sur des preuves comme ce carnet de notes trouvé sur le cadavre du lieutenant allemand Lehmann. L’église de Villerupt (Meurthe-et-Moselle) avait été incendiée et des habitants fusillés en représailles de coups de feu. Dans le carnet, il était écrit : « Le fait est que ce ne sont pas des habitants de Villerupt, mais des douaniers et des forestiers(33) qui nous ont canardés(34). »

Les autorités françaises prirent néanmoins les devants. Elles firent observer que « la conduite des habitants d’un pays résistant à l’invasion de leur territoire » était conforme à l’article 2 du règlement annexé à la Convention 4 de la Haye et ne saurait « fournir un prétexte aux actes de barbarie commis par les Allemands(35) ». S’il était possible que des coups de feu aient quelques fois été tirés par des civils, rien ne pouvait justifier les massacres de vieillards, de femmes et d’enfants(36). Mais dès avant la guerre, le droit des civils à résister avait été refusé par le grand État-major allemand(37).

Voir et faire voir la guerre. Exploitations et commémorations des localités lorraines atteintes

Parmi toutes les raisons qui déterminèrent les atrocités (conséquences directes du combat, paniques diverses, tirs amis, ivresse collective, etc.), la responsabilité des autorités militaires allemandes ne peut être éludée. Dès le début de la guerre, le gouvernement français remarqua que les exactions avaient été ordonnées par le commandement (« colonels sur certains points, commandants de corps sur d’autres ») « dans des localités que défendait exclusivement l’armée française et non les habitants(38) ». Mais la décision de fusiller des civils fut aussi formulée au plus haut niveau décisionnel de l’armée allemande, à l’État-major général de l’Armée en campagne et entérinée, par conséquent, par Moltke lui-même. L’ordre suivant fut retrouvé dans des archives allemandes dérobées en Allemagne et communiquées à l’armée française au début des années 1920(39). La « 16e communication », en date du 11 août 1914, de la section des opérations(40) signée « par ordre » par le major von Bartenwerffer portait, entre autres informations relatives à la répartition des troupes belgo-françaises de première ligne, sur les premiers enseignements à tirer de la première prise, puis de la perte, de Mulhouse par les armées françaises les 9 et 10 août 1914 :

« On a rassemblé les expériences suivantes au cours des combats des XVe et XIVcorps d’armée près de Mulhouse : (…) Les localités prises par nous doivent être visitées de fond en comble vu que certains hommes restent en arrière pour tirer sur les états-majors supérieurs. Les propriétaires de maison coupables doivent être fusillés. Les mesures les plus sévères sont de rigueur contre les habitants qui tirent, contre ceux qui coupent des conduites(41) ou qui répandent des nouvelles alarmantes fausses(42) . »

Cet ordre fut visiblement appliqué tel quel puisqu’un avis du mois d’août 1914 placardé sur les murs de la ville de Jarny (Meurthe-et-Moselle) et émanant du général von Oven, gouverneur de la place de Metz, énonçait que « seront immédiatement fusillés tous les habitants et les propriétaires des maisons dans lesquelles se trouveront des Français faisant partie de l’armée française ou des personnes tirant sur nos troupes(43)  ». Des ordres similaires furent également donnés à Mulhouse après le départ des troupes françaises : « Toute personne qui ne livrera pas immédiatement les soldats français aptes à porter les armes ou blessés qu’elle abrite chez elle, sera passée par les armes sans jugements(44) . »

Il est tentant de replacer ces épisodes dans un temps plus long englobant les trois guerres, qui mirent aux prises la France et l’Allemagne de 1870 à 1945. Par exemple, l’ordre du jour du général von Oven en date de 21 août 1914, d’avoir « fait fusiller les coupables et incendier les maisons jusqu’au sol de telle manière que la localité de Nomeny soit anéantie », répond d’une certaine manière à celui du 23 janvier 1871 du gouverneur général allemand de Lorraine, von Bonin, concernant le village de Fontenoy-sur-Moselle (département de la Meurthe). Celui-ci avait été « immédiatement incendié, à l’exception de quelques bâtiments conservés pour l’usage des troupes » en représailles de la destruction d’un pont de chemin de fer par un corps franc venant du département des Vosges(45) . De même, les méthodes employées par l’armée allemande en août 1914 – « la peur à des fins de neutralisation de la population » – ressemblent à celles utilisées contre d’autres localités, y compris lorraines, durant la Seconde Guerre mondiale(46) .

Selon Armel Dirou, le caractère brutal de la répression avec les incendies, les prises d’otages, les réquisitions, les exécutions sommaires, les représailles et les pillages s’inscrivaient dans les principes de la contre-guérilla que l’armée prussienne avait élaborés tout au long du XIXe siècle et dont témoignait le livre VI de De la Guerre de Clausewitz(47).  Les actions conduites a posteriori par les troupes allemandes pendant la guerre de 1870 en réaction au harcèlement des francs-tireurs furent ainsi réalisées préventivement pour garantir la sûreté sur leurs arrières au début de la Grande Guerre(48) .

Comme à propos de la IIIe armée allemande en Belgique, il est possible aussi que cette guerre des francs-tireurs fût « manipulée » par les officiers afin de préparer leurs hommes au combat. On l’anticipait en propageant de prétendues atrocités commises par des civils sur des soldats allemands(49) . À la date du 21 août 1914, alors que, cantonné au Luxembourg, il entendait au loin le bombardement de Longwy (Meurthe-et-Moselle), le sous-officier allemand Schulz du 46e régiment d’infanterie de réserve du Ve Corps de réserve écrivait :

« Dans toutes les instructions, on nous raconte les horreurs commises par les Français. Ils arrachent les yeux aux blessés, leur coupent les oreilles et le nez, etc ; On nous fait comprendre que nous devons être aussi sans pitié. J’ai l’impression que tout cela n’est raconté que pour éviter que personne ne reste en arrière ou encore ne déserte en France(50) . »

Quoi qu’il en soit, toutes ces mesures pouvaient témoigner de l’effet de sidération produit sur les populations, comme l’attestaient les souvenirs de René Mercier, directeur du principal journal de Nancy, L’Est Républicain. Le 21 août 1914, la population civile chassée de Nomeny arrivait dans la ville :

 « Je viens de passer des heures atroces. L’incendie de Nomeny et le massacre de ses habitants ont jeté parmi la population de Nancy une sorte de terreur stupéfaite. On s’imagine que les Prussiens sont à nos portes, qu’ils vont tout brûler, tout tuer, tout saccager. On ne voit que faces attristées, yeux caves et fuyants. Les Lorrains sont durement éprouvés. La joie sereine de ces jours derniers a fui comme par une invisible fente, par une horrible fêlure(51). »

L’autorité militaire française comprit rapidement le désarroi des esprits. Elle envoya dès le soir même une note aux journaux invitant la population à faire preuve de calme :

« Il ne faut pas que quelques coups de canon, et la fuite des gens de la campagne suffisent pour alarmer une population comme celle de Nancy, qui est couverte par toute une armée(52). »

Le récit des atrocités pouvait engendrer des effets contre-productifs. Afin d’éviter la panique, le préfet de Meurthe-et-Moselle défendit à la presse le 24 août de raconter « les horreurs » de l’exode à Nancy des habitants de Port-sur-Seille, Crévic et d’autres villages incendiés, « affolés de ce qu’ils avaient vu, bouleversés d’avoir, ils ne savaient comment, échappé à la mort qui les encerclait(53) ». La peur se propageait néanmoins. À Verdun, les réfugiés répandaient la nouvelle des actions allemandes dans le département voisin, où tout n’était que « vols, pillages, incendies(54) ». Le 15 septembre, le ministre de la Guerre Millerand interdisait la publication « des récits d’atrocités allemandes qui risquent, en terrorisant les populations, de provoquer les exodes les plus lamentables(55) ».

Du côté français, les « atrocités allemandes » et le « martyre » des cités lorraines furent rapidement exploités par la propagande de guerre. Le thème de la « barbarie allemande » n’était pas nouveau. Il était déjà présent dans la plupart des récits de la guerre de 1870(56). Dès la mi-août 1914, les autorités françaises cherchèrent à appuyer leur argumentaire sur le droit international, rejouant le très classique principe républicain du « droit primant la force », élément juridique de poids dans la lutte engagée de la « civilisation contre la barbarie(57) ». Selon elles, les preuves des scènes de meurtre, de pillage et d’incendie ne pouvaient être contestées car elles se trouvaient « décrites tout au long dans les carnets et journaux de route d’un grand nombre de prisonniers allemands(58) ». En cantonnement à Billy le 15 octobre 1914, le sous-officier allemand Schulz, déjà cité, déplorait le pillage du village meusien, d’où la population civile avait été chassée : « Cette manière de faire la guerre est tout à fait barbare ; Je m’étonne que nous puissions reprocher aux Russes leurs procédés(59) ; Les nôtres, en France, sont pires que les leurs, et à toute occasion et à tout propos nous incendions et nous pillons(60). » La presse relaya les accusations officielles. Les sources de l’article « Les Allemands avouent leurs crimes », paru le 19 août 1914 dans Le Rappel et celui identique publié le 20 août dans Le Temps, furent largement extraites de carnets et de lettres de soldats allemands ayant opéré dans la région de Badonviller (Meurthe-et-Moselle) une semaine plus tôt. On peut y lire quasiment les mêmes phrases comme : « La première ville rencontrée après la frontière a été complètement détruite, c’est un spectacle à la fois triste et agréable » ; « Tous les Français sont fusillés s’ils ont seulement la mine suspecte ou malveillante(61). » De la même façon, le livre du professeur au Collège de France Joseph Bédier, intitulé Les crimes allemands d’après les témoignages allemands, avait recours à ce type de documents. À la date du 10 août 1914, le soldat Reishaupt du 3e régiment d’infanterie bavaroise écrivait : « Parux(62) est le premier village que nous avons brûlé ; après, la danse commença : les villages, l’un après l’autre(63). » Bédier rédigea ensuite pour le compte du ministère des Affaires étrangères un recueil critique d’une centaine de documents probants consacrés aux violations allemandes des lois de la guerre(64). L’idée était de montrer l’opposition entre les conventions de La Haye et le manuel de l’État-major allemand, le Kriegsbrauch im Landkriege [Les lois de la guerre sur terre] et que les faits relatés étaient l’application d’une théorie allemande de la guerre enseignée officiellement(65). Bédier considérait d’ailleurs ce travail comme l’une de ses œuvres majeures(66), qui fut supervisée par Charles Andler, les grands juristes Louis Renault et Henri Fromageot, ainsi que par l’ancien président du Conseil Léon Bourgeois(67). Publiés en fac-similés, les carnets de notes allemands étaient une « arme précieuse », qui se distinguait « de tous les « récits d’atrocités » d’origine nationale dont il a été fait un abus manifeste(68) ». Spécialiste de littérature médiévale, Bédier remarqua le lien entre les deux légendes françaises et allemandes, différentes mais symétriques et qui ont été très bien analysées depuis(69) :

« En France court une légende populaire qui fait un pendant exact à la légende populaire du blessé aux yeux crevés : c’est la légende de la fillette aux poings coupés. Nos journaux la reproduisent tous les jours, sans fin, et elle nous fait le plus grand tort chez les neutres, parce qu’elle les rend sceptiques sur les autres crimes reprochés aux Allemands(70). »

De fait, la France entière eut une « image assez précise » des « atrocités allemandes » opérées en Lorraine(71). L’expression de « commune martyre », souffrante pour une cause sacrée, apparut très tôt, dès la mi-août, dans un discours prononcé à Badonviller par le préfet Mirman(72). Reprise au mois d’octobre par le Garde des Sceaux Aristide Briand après un voyage dans l’Est de la France sur les lieux mêmes de la « féroce dévastation accomplie par des ennemis indignes(73) », elle réactivait encore en partie des souvenirs de la guerre de 1870(74).

Le gouvernement français chercha à gagner l’opinion publique des pays neutres. La Lorraine fut mise en avant, notamment à travers l’exemple de « Gerbéviller-la-Martyre ». Ainsi, début octobre 1914, Edmond de Cointet, chef du 2e bureau de l’État-major de la 2e Armée française(75), évoquait la « sauvagerie allemande » lors d’un entretien avec le colonel Weygand(76). Ce dernier demandait des preuves irréfutables afin de les montrer aux Américains, dubitatifs et hésitants quant au soutien qu’ils pourraient apporter à la France sur ce point :

« Je vais chercher quatre grandes photographies que le capitaine Deléglise a fait prendre à Gerbéviller. Elles représentent des groupes de paysans de tous âges fusillés dans des champs voisins du village. Certains sont à moitié nus et ont subi je ne sais quels sévices(77). J’ose à peine mentionner la photo d’une bonne vieille paysanne de 80 ans coiffée de son bonnet, la figure horrifiée, renversée dans le coin de son petit jardin au milieu de ses pots de fleurs, les jupes retroussées. Elle est morte des outrages qu’elle a subis, d’après les médecins, de plusieurs dizaines de soldats bavarois(78). Weygand devient blême, mais me demande de lui confirmer ces témoignages si probants. Je les lui donne(79). »

Trois de ces photographies furent annexées au premier tome des rapports officiels de la commission d’enquête française afin que l’administration de la preuve soit encore renforcée par l’image(80).

En publiant en 1915 La France en guerre, la romancière américaine Edith Wharton fit beaucoup pour faire comprendre à son pays le traumatisme subi par les habitants des régions dévastées. Les atrocités en Meurthe-et-Moselle la scandalisèrent, en particulier la destruction de Gerbéviller. Devenant de plus en plus antiallemande, elle parlait de l’« ombre maléfique » de l’Allemagne, de « malédiction(81) ».

Le « sens » de la tragédie de Gerbéviller apparaissait plus clairement. Elle n’avait pas seulement joué pour la France un rôle « héroïque » de défense militaire sur un point localisé de la bataille des frontières de 1914. Elle n’était pas seulement une « Pompéi » demandant vengeance ou le témoignage d’une Lorraine martyre subissant les éternelles invasions(82). Elle lui avait aussi rendu « un service moral », dont l’efficacité continuait, et « d’effet universel ». Gerbéviller avait été « le théâtre de la lutte acharnée de deux idées ». Lors du quatrième anniversaire du « crime » en 1918, le Lorrain Maurice Barrès l’affirmait :

« Le martyre de Gerbéviller, après celui de la Belgique, avant celui de la Lusitania, a été une des leçons décisives qui éclairèrent l’opinion américaine et qui demain nous vaudront la victoire(83). »

Gerbéviller-la-Martyre continua ainsi à alimenter et à entretenir tout au long de la guerre(84) cet aspect particulier de la « culture de guerre » définie comme « le champ de toutes les représentations de la guerre forgées par les contemporains » pendant et après celle-ci(85). En novembre 1914, le maire de Nancy y envoya l’artiste Victor Prouvé, qui vécut dix jours dans les ruines et réalisa des lithographies et eaux fortes publiées dans plusieurs ouvrages(86). D’autres artistes comme Edmond Rostand firent le déplacement, ainsi que de nombreuses personnalités politiques comme le président de la République Raymond Poincaré. Une série de cartes postales lorraines intitulées Les Villes martyres furent éditées à profusion et produisirent « un effet de masse » insistant sur la cruauté de l’ennemi(87). Une « Ligue du Souvenir » fut créée fin août 1916. Fondée par le préfet Mirman et les maires de Nancy et de Lunéville, elle avait pour but de remobiliser l’opinion publique sur le thème des atrocités. Cent mille exemplaires de Leurs crimes furent diffusés dans toute la France avec l’appui du gouvernement(88).

Après-guerre, de multiples commémorations se déroulèrent localement pour perpétuer le souvenir des « villes-martyres ». Badonviller, Nomeny et Gerbéviller en acquirent officiellement le statut, non sans difficultés. Il ne fut « au mieux qu’un titre régional limité à la Lorraine », l’esprit de Locarno et les nouvelles préoccupations nationales et internationales en réduisant la portée(89). Des monuments spécifiques furent néanmoins érigés. Celui de Nomeny inauguré en septembre 1928 semble unique en son genre en France, avec son véritable « monument civil aux morts » séparé, réservé aux victimes civiles(90). À Gerbéviller, un monument plus modeste fut inauguré en bordure de la route nationale, au lieu-dit la Prêle, où furent inhumés 41 corps dont ceux des 16 fusillés en ce lieu et ceux des 8 jeunes gens du village voisin de Tanconville.

Jusqu’à ce jour, la mémoire des souffrances endurées est encore bien vivante. De ce point de vue également, le cas lorrain ressemble beaucoup à celui des villes et villages martyrs de Belgique(91). Chaque année, des cérémonies sont réalisées aux dates anniversaires des événements. À Gerbéviller, un pèlerinage mène d’abord au monument de la Prêle, puis au cimetière militaire et au monument de « coloniaux » commémorant le sacrifice de tout un régiment de ces soldats et enfin au monument aux morts de la commune(92). Les cérémonies du centenaire eurent lieu pour les deux communes les 23 et 24 août 2014. La tonalité des discours était au rappel détaillé des événements historiques se concluant par des notes positives et des invitations à la paix(93).

Villes et villages martyrs par bombardements répétés et prolongés jusqu’à la fin de la guerre

Le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position ne mit pas les populations à l’abri des opérations militaires, notamment pour celles résidant près de la ligne de front. La Lorraine fut durement touchée et l’opinion publique étendit rapidement la notion de « ville martyre » à celles qui subirent d’intenses bombardements. Plus encore que la Croix de guerre, l’attribution de la Légion d’honneur à ces localités relève d’un « processus mémoriel » signifiant la reconnaissance nationale de leurs sacrifices et de leur patriotisme(94). Elle témoigne aussi de la personnification de ces communes, décorées comme des soldats, avec d’autant plus de force que le discours sur les ruines avaient « peu à peu transformé celles-ci en combattantes, portant les souffrances de la communauté nationale(95) ».

La ville de Pont-à-Mousson en Meurthe-et-Moselle fut la première ville française mise en exergue(96). Bombardée dès les 11, 12 et 14 août 1914, faisant 7 morts et 8 blessés, « toutes des femmes et des enfants », elle fut l’objet unique du deuxième mémorandum du gouvernement français adressé aux puissances signataires de la Convention de La Haye de 1907. Trois articles de cette convention étaient, suivant la France, violés par l’Allemagne. « Ville ouverte et non défendue », la localité fut bombardée « sans avis préalable » et porta « spécialement sur un hôpital, monument historique, régulièrement signalé par le drapeau de la Croix-Rouge ». Circonstance aggravante, un aéronef allemand avait pris position au-dessus des batteries placées de l’autre côté de la frontière et permettait de rectifier le tir : « On cherche vainement le but de ce bombardement : il n’a été précédé d’aucune sommation de reddition et n’a été suivi d’aucune reddition, ni d’aucune occupation par les forces ennemies qui ne se sont pas présentées devant la localité. Il constitue donc un acte de cruauté inutile(97). »

Là encore, une première violation du droit international par les Allemands rattachait Pont-à-Mousson aux autres localités lorraines subissant des « atrocités ». Mais celles-ci durèrent jusqu’à la fin de la guerre, de telle sorte que pour « la longueur, la continuité et la violence du martyre », son nom put être associé à ceux de « ses villes sœurs de supplice », Soissons, Arras et Reims(98). La presse française témoigna très souvent de ce traitement particulier(99). À l’image de Reims mais à plus petite échelle, Pont-à-Mousson fut aussi une ville « exhibée(100)». Le chef de l’État s’y rendit plusieurs fois. Des intellectuels neutres publièrent de longs reportages sous le feu allemand(101)et s’indignèrent de cette « volonté formelle et préméditée de détruire et de terroriser(102)». Quelques pièces de son patrimoine furent instrumentalisées(103). En 1916, des débris de ses pierres et de ses portes sculptées furent présentés à Paris lors de l’exposition du Petit-Palais consacrée au « vandalisme allemand(104) ». Symbole ultime de sa souffrance, son cimetière « affreusement ravagé » résumait « le caractère de la guerre allemande » : les bombardements n’épargnaient rien, « ni les enfants, ni les infirmes, ni les chefs-d’œuvre, ni même les morts(105) ». Décoré de la Croix de guerre en 1921 en présence de l’ancien président Poincaré puis de la Légion d’honneur le 21 août 1930, Pont-à-Mousson fut considéré comme ayant subi « stoïquement » pendant quatre années « des bombardements incessants(106) ».

Nancy présentait un profil identique. Selon la citation de sa Légion d’honneur en 1919, la ville n’avait « jamais, malgré toutes les souffrances, perdu son sang-froid ». Du 4 septembre 1914 au 31 octobre 1918, elle endura 110 bombardements aériens ou d’artillerie et reçut 1 200 projectiles de calibres divers provoquant la mort de 177 personnes (dont 120 civils), détruisant totalement une centaine de bâtiments et en endommageant plus de 800 autres(107). Tel était « le martyrologe de Nancy » où se distinguaient des « maisons blessées », s’appuyant « tristement sur leurs poutres » comme « des blessés sur des béquilles », des « maisons aveugles » et des « maisons mortes(108)». Situé à 30 km, à Hampont en Lorraine annexée, un « Gros Max » de 380 mm tira pendant plus d’une année sur la ville(109. Préfigurant les canons à longue portée sur Paris, cet épisode de « radicalisation de la guerre » marquait bien aussi cette tendance à l’abolition de la distinction entre front et arrière, entre militaires et civils, considérant désormais comme ennemie la population civile dans sa totalité(110).

L’exemple de Verdun est trop connu pour le développer outre mesure. La « vaillante cité », qui « fait l’admiration du monde », reçut sa Légion d’honneur en pleine guerre le 12 septembre 1916. « La bataille n’était pas finie que Verdun prenait déjà une dimension mémorielle ». Dans son Verdun. Images de guerres, John Grand-Carteret présentait ainsi la « grande bataille graphique » qui se déroulait en marge des combats :

« Verdun, terre d’héroïsme, terre de sacrifice (…) promue à tous les honneurs, Verdun inviolée par les Allemands (…) Ville immortelle ; Verdun, ville glorieuse entre toutes, inscrite au Grand Livre d’Or de l’Histoire (…) Vers elle vont tous les enthousiasmes, toutes les popularités : à elle toutes les marques de respectueuses sympathies(111). »

Lieu de mémoire de dimension internationale, Verdun fut l’objet de nombreuses commémorations et « liturgies du souvenir(112) ». L’une d’elle dressa à Paris pour le 14 juillet 1919 un autel de la « cité martyre de Verdun ». Cette expression fut reprise couramment, y compris récemment dans des ouvrages d’auteurs étrangers(113). Le maire de la ville fut d’ailleurs le premier président de l’Union mondiale des villes martyres, villes de la Paix, une association créée à Bastogne en 1982 et qui regroupe des localités comme Coventry, Varsovie ou Volgograd. Symbole de la réconciliation franco-allemande avec la rencontre Mitterrand-Kohl le 22 septembre 1984 à Douaumont, Verdun devint enfin l’une des capitales mondiales « de la Paix, des libertés et des droits de l’Homme » (ONU, 1987)(114).

La France possède en outre cette particularité de compter six communes « mortes pour la France », toutes situées dans le département de la Meuse. Si neuf villages furent totalement détruits lors de la bataille de Verdun en 1916, ceux-ci ne furent jamais reconstruits en raison de la présence trop importante de munitions non explosées et de sols bouleversés et pollués. À l’exception de Douaumont, Ornes et Vaux-devant-Damloup, qui dénombrent encore aujourd’hui quelques habitants, Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre voient leur état-civil réduit à « zéro habitant ». En leur hommage et pour conserver leur mémoire(115), l’État décida de maintenir en 1919 leur statut de commune. Chacune d’entre elles est administrée par un maire et un conseil municipal restreint de trois membres nommés par le préfet de la Meuse. L’essentiel de leur mission est une mission d’entretien, de « gardien des ruines(116) ». Ces villages fantômes sont, en effet, surtout des « espaces de mémoire du recueillement(117)» où furent édifiés, dès les années 1920, une « chapelle-abri » et un monument aux morts. Un parcours fléché permet au visiteur de découvrir l’emplacement des différentes maisons avant leur destruction. 

Enfin, d’autres villages lorrains « martyrs » furent totalement dévastés, mais contrairement à leurs homologues de Verdun, leurs territoires furent rattachés à des communes environnantes. C’est le cas, en Meurthe-et-Moselle, de Regnéville rattaché à Thiaucourt-Regnéville et de Remenauville à Limey-Remenauville. Fey-en-Haye et Flirey furent quant à eux entièrement reconstruits à proximité de leur emplacement initial.

Objet de la volonté délibérée de destruction de la part de l’armée allemande, les villes et villages martyrs de Lorraine furent le théâtre de l’extension de la violence de guerre contre les civils. Deux grands types de violence de guerre se dégageaient. Le premier était étroitement lié aux « atrocités allemandes » de l’été 1914, événements brefs mais d’une intensité maximale, et le second à des bombardements de toute nature, plus épisodiques mais prolongeant jusqu’à la fin de la guerre une destruction qui n’en finissait pas.

Les discours et le souvenir entretenus, la thématique officielle de la guerre du droit, le « martyrologe patrimonial(118) » renforcèrent l’identité spécifique des localités ayant particulièrement souffert. Leur mémoire après-guerre connut néanmoins des destins divers. Vivace localement, celle-ci fut en général recouverte par le deuil immense des combattants. Toutefois, malgré l’échec de la tentative de juger les responsables des « atrocités allemandes », le souvenir de ces dernières n’en contribua pas moins à l’exode de millions de Français en juin 1940(119). La mémoire de la guerre vécue resta profondément ancrée dans la région. À la suite aussi de l’apparition et de la mise en œuvre de nouvelles armes, elle avait laissé l’impression qu’il n’y avait plus de lieux sûrs en cas de guerre et que la proximité de la frontière allemande était devenue d’autant plus menaçante. Une évolution importante du rapport établi entre une menace de violence et l’espace habité avait eu lieu.


Notes :

(1)  John Horne et Alan Kramer, 1914. Les atrocités allemandes, Paris, Tallandier, 2005, 640 p.

(2) Ibid., p. 84.

(3) John Horne, « Corps, lieux, nation. La France et l’invasion de 1914 », Annales HHS, janvier-février 2000, n° 1, p. 84.

(4) Jeanne Vincler, Août 1914 en Meurthe-et-Moselle. Dictionnaire des communes sinistrées, Strasbourg, Les Éditions du Quotidien, 2014, 275 p.

(5) Laurent Jalabert, « Villages martyrs de Lorraine : Rouvres et la Meuse dans la tourmente d’août-septembre 1914 », Le Pays lorrain, vol. 95, septembre 2014, p. 243-254.

(6) Philipe Nivet, La France occupée, 1914-1918, Paris, Armand Colin, 2011, p. 187-188.

(7) André Fribourg, « Les paysans d’Alsace-Lorraine devant les conseils de guerre allemands », Revue des deux mondes, 1er septembre 1918, p. 167-171.

(8) Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), 1CPCOM1098, Mémorandum n° 6, 20 août 1914.

(9) MAE, 1CPCOM1114, Rapport n° 2 au ministre de la Guerre sur les actes de cruauté commis par les troupes allemandes, fin septembre 1914.

(10) Rapports et procès-verbaux d’enquête de la commission instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens (décret du 23 septembre 1914), tome I, Paris, Imprimerie nationale, 1915, p. 9.

(11) MAE, 1CPCOM1114, Rapport n° 1 au ministre de la Guerre sur les actes de cruauté et de destructions commis par les armées allemandes, 25 août 1914.

(12) Ibid., Rapport n° 2 au ministre de la Guerre, Fleury-sur-Aire, fin septembre 1914. Une photographie de ce dispositif est annexée au rapport.

(13) Ibid., Rapport n° 2, Sommeilles, pièces 276 et 277, dossier 98.

(14) Ibid., D’après un procès-verbal du 15 septembre 1914.

(15) Magistrat et historien, Paul Matter (1865-1938) termina sa carrière comme premier président à la cour de cassation.

(16) Ibid., Rapport n° 2, Sommeilles, Pièces 276 et 277, dossier 98.

(17) Rapports et procès-verbaux d’enquête…, op. cit., p. 8.

(18) Stéphane Audouin-Rouzeau, L’enfant de l’ennemi (1914-1918). Viol, avortement et infanticide pendant la Grande Guerre, Paris, Aubier, 1995, 222 p.

(19) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 225.

(20) Novéant-sur-Moselle, localité frontière de Lorraine annexée.

(21) René Mercier, Nancy sauvée, Paris, Berger-Levrault, 1917, p. 147.

(22) Maurice Barrès, La Lorraine dévastée, Paris, Félix Alcan, 1919, p. 27-28.

(23) Robert Creusat, La victoire oubliée. Gerbéviller-Rozelieures. Août-septembre 1914, Lunéville, Mut’imprim, 1986, p. 208-209.

( 24) MAE, 1CPCOM1098, Extraits de lettres saisies, comme celle du canonnier Wagner du 1er corps bavarois.

(25) Une publication récente tente de relancer le débat : Gunter Spraul, Der Franktireurkrieg 1914. Untersuchungen zum Verfall einer Wissenschaft und zum Umgang mit nationalen Mythen, Berlin, Frank und Timme Verlag, 2016, 684 p.

(26) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 111-201.

(27) À l’instar du compositeur Albéric Magnard, qui, le 3 septembre 1914 à Baron (Oise), tua un soldat allemand et en blessa un autre. Rapports et procès-verbaux d’enquête…, op. cit., p. 39 et 197-199.

(28) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 87.

(29) Phrase soulignée au crayon dans le rapport.

(30) MAE, 1CPCOM1098, SR de Belfort, 17 septembre 1914 : « Séjour des Allemands à Saint-Dié du 25 août au 10 septembre 1914 ».

(31) Le Journal de la Meurthe et des Vosges, 26 août 1914.

(32) L’Est Républicain, 27 août 1914.

(33) En France, les douaniers et les forestiers avaient été militarisés en cas de guerre depuis les années 1880 et étaient reconnus comme belligérants.

(34) MAE, 1CPCOM1098, Mémorandum n° 5, 19 août 1914.

(35) Ibid.

(36) Ernest Lavisse et Charles Andler, Pratique et doctrine allemandes de la guerre, Paris, Armand Colin, 1916, p. 3.

(37) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 175.

(38) MAE, 1CPCOM1098, Mémorandum n° 6, 20 août 1914.

(39) Gérald Sawicki, Les services de renseignements à la frontière franco-allemande (1871-1914), thèse de doctorat d’histoire contemporaine, Université de Nancy 2, 2006, p. 2-3.

(40) Dirigée par le lieutenant-colonel Tappen, la section des opérations était chargée de la préparation et de l’organisation des unités ainsi que de l’élaboration et la diffusion des ordres de l’État-major général.

(41) Sans doute les fils téléphoniques et télégraphiques.

(42) Service historique de la Défense, Archives de la Guerre (SHD GR), Fonds de Moscou, carton 231, dossier 1560, Chef de l’état-major général de l’armée de campagne, Berlin, 11 août 1914. Renseignements, jusqu’à 7 h 30 du soir.

(43) Luc Delmas, Visage d’une terre lorraine occupée. Le Jarnisy, 1914-1918, Conflans-Jarny, Centre d’études historiques, 1988, p. 48-49.

(44) Jean-Paul Claudel, La bataille des frontières. Vosges 1914-1915, Nancy, Éditions de l’Est, 1999, p. 44-45.

(45) Armel Dirou, La guérilla en 1870. Résistance et terreur, Paris, Bernard Giovangeli Éditeur, 2014, p. 210. Voir aussi sur le thème des villes et villages martyrs de 1870 : Odile Roynette, « Le village de la mort. Les "atrocités allemandes" en 1870 », dans Anne-Emmanuelle Demartini et Dominique Kalifa, Imaginaire et sensibilités. Études pour Alain Corbin, Paris, éditions Créaphis, 2005, p. 257-268.

(46) Comme à Robert-Espagne et quatre autres villages meusiens où le 29 août 1944 une unité de la Wehrmacht fit 86 victimes civiles et brûla plusieurs centaines de maisons. Jean-Pierre Harbulot, « les massacres du 29 août 1944 dans la vallée de la Saulx et leurs suites judiciaires », dans Noëlle Cazin et Philippe Martin (dir.), Meuse en guerres, Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 2010.

(47) Armel Dirou, op. cit., p. 210-211.

(48) Ibid., p. 245.

(49) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 156-158.

(50) SHD GR, 16NN117, Carnet de route du sous-officier Schulz.

(51) René Mercier, op. cit., p. 142-143.

(52) Ibid., p. 151.

(53) Ibid., p. 171.

(54) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 209.

(55) Ibid., p. 212.

(56) Michael Jeismann, La patrie de l’ennemi. La notion d’ennemi national et la représentation de la nation en Allemagne et en France de 1792 à 1918, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 188-211.

(57) Gérald Sawicki, « Le droit prime la force : réalités et limites d’un principe républicain sous la Troisième République », dans Annie Stora-Lamarre, Jean-Louis Halpérin et Frédéric Audren, La République et son droit (1870-1930), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2011, p. 263-279.

(58) MAE, 1CPCOM1114, Rapport n° 3 de la direction du Contentieux et de la Justice militaire du ministère de la Guerre.

(59) De son côté, la propagande allemande avait mis en avant les « atrocités » commises par les cosaques russes en Prusse orientale à la fin août 1914.

(60) SHD GR, 16NN117, Carnet de route du sous-officier Schulz.

(61) MAE, 1CPCOM1098, Extraits de lettres saisies, le premier d’un soldat de 1ère classe du 16e régiment d’infanterie bavaroise, le second du sous-officier Guggomos de la 3e compagnie sanitaire du 1er corps d’armée bavarois.

(62) Meurthe-et-Moselle.

(63) Joseph Bédier, Les crimes allemands d’après les témoignages allemands, Paris, Armand Colin, 1915, p. 22.

(64) Ministère des Affaires étrangères, Les violations des lois de la guerre par l’Allemagne, Paris, Berger-Levrault, 1915, 208 p.

(65) MAE, 1CPCOM1713, Note préliminaire, s.d. ; Lettre à Léon Bourgeois, 14 mai 1915.

(66) Alain Corbellari, Joseph Bédier, écrivain et philologue, Genève, Droz, 1997, p. 427.

(67) MAE, 1CPCOM1713, Lettre à Léon Bourgeois, 14 mai 1915 ; Note de ce dernier pour M.M. Renault et Fromageot, 28 juin 1915.

(68) Ibid., Chapitre IV. Pillages, incendies, assassinats ; Remarques sur la dernière épreuve, 5 juin 1915.

(69) John Horne, « Les mains coupées : « atrocités allemandes » et opinion française en 1914 », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 171, juillet 1993, p. 29-45. Alan Kramer, « Les « atrocités allemandes » : mythologie populaire, propagande et manipulations dans l’armée allemande », ibid., p. 47-67.

(70) MAE, 1CPCOM1713, Annotations au chapitre XI, p. 215-230. Bédier suggérait aussi de démentir officiellement la légende des mains coupées.

(71) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 234.

(72) Le Journal de la Meurthe et des Vosges, 22 août 1914.

(73) Le Temps, 28 octobre 1914.

(74) Jules Lermina, La France martyre. Documents pour servir à l’histoire de l’invasion de 1870, Paris, Joseph Kugelmann Éditeur, 1887, 316 p.

(75) Le 2e bureau était chargé des renseignements de cette « Armée de Lorraine » commandée par Castelnau.

(76) Futur généralissime en mai-juin 1940.

(77) Selon le préfet Mirman, qui accompagna Deléglise sur les lieux, les pantalons abaissés jusqu’à mi-jambe étaient une précaution prise pour les entraver avant de les exécuter.

(78) Exagération probable qui mériterait une explication à la lecture des archives médicales.

(79) Patrick-Charles Renaud, La guerre à coups d’hommes. La bataille des frontières de l’Est. Lorraine. Août-septembre 1914, Paris, Grancher, 2014, p. 339.

(80) Rapports et procès-verbaux d’enquête…, op. cit., vues 18, 19 et 20 : « Cadavres de fusillés au lieu-dit la Prêle».

(81) Edith Wharton, La France en guerre, 1914-1915, Préface d’Annette Becker, Paris, Éditions de Tournon, 2007, p. 22 et 105-110.

(82) Le Journal de la Meurthe et des Vosges, 15 mai 1915 : « La Leçon des Ruines Lorraines » par Maurice Barrès.

(83) L’Est Républicain, 27 août 1918.

(84) Lisa Laborie-Barrière, « Gerbéviller : utilisation de l’image d’une ville martyre pour la propagande », dans Lisa Laborie-Barrière (dir.), Été 1914. Nancy et la Lorraine dans la guerre, Musée lorrain et Serge Domini Éditeur, 2014, p. 184-193.

(85) Stephane Audouin-Rouzeau et Annette Becker, « Violence et consentement : la « culture de guerre » du premier conflit mondial », dans Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), Pour une histoire culturelle, Paris, Seuil, 1997, p. 252.

(86) Blandine Otter, « L’art en guerre. Figurer le conflit armé : un défi et un devoir pour les artistes lorrains », Le Pays lorrain, vol. 95, septembre 2014, p. 295-304.

(87) Marie Jechoux, « Ensemble de cartes postales montrant les destructions de guerre », dans Lisa Laborie-Barrière (dir.), op. cit., p. 222-223.

(88) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 352-353. Le Temps, 19 octobre 1916 : « N’oublions jamais ».

(89) Ibid., p. 423.

(90) L’Est Républicain, 30 septembre 1928. Surnommé « la Pleureuse », le monument représente une femme éplorée étendant son manteau sur une évocation du massacre et sur la liste des victimes.

(91) Audrey Dupuis, « Les atrocités allemandes dans le Luxembourg belge en 1914 : l’exemple du village martyr d’Ethe », dans François Cochet (dir.), Les violences de guerre à l’égard des civils : axiomatiques, pratiques et mémoires, Metz, Cahiers du CRHCEO, 2005, p. 55-76. Axel Tixhon et Mark Derez (dir.), Villes martyres : Visé, Aarschot, Andenne, Tamines, Dinant, Leuven, Dendermonde : Belgique, août-septembre 1914, Namur, Presses universitaires de Namur, 2014, 458 p.

(92) L’Est Républicain, 25 août 2002.

(93) Ibid., 24 et 25 août 2014.

(94) Xavier Boniface, « Les villes françaises décorées de la Légion d’honneur pour faits de guerre, 1914-1945 », dans Philippe Chassaigne et Jean-Marc Largeaud (dir.), Villes en guerre (1914-1945), Paris, Armand Colin, 2004, p. 338. Largement surreprésentée à l’issue de la Grande Guerre, la Lorraine vit 5 localités honorées à cause des atrocités de 1914 (Nomeny, Badonviller, Gerbéviller, Audun-le-Roman et Longuyon), 4 pour leurs bombardements (Verdun, Longwy, Nancy et Pont-à-Mousson) et 4 en tant que symbole de leur réintégration à la France (Bitche, Phalsbourg, Metz et Thionville).

(95) Emmanuelle Danchin, Le temps des ruines (1914-1921), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 215.

(96) Le Temps, 14, 18 et 19 août 1914.

(97) MAE, 1CPCOM1098, Mémorandum n° 2, 16 août 1914.

(98) Arsène Alexandre, Les monuments français détruits par l’Allemagne. Enquête entreprise par ordre de M. Albert Dalimier, sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts, Paris, Berger-Levraut, 1918, p. 116-117.

(99) Par exemple, Le Temps, qui évoquait le 23 novembre 1914 le 23bombardement de la ville et le 25 décembre son 45e.

(100) François Cochet, 1914-1918. Rémois en guerre. L’héroïsation du quotidien, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1993, p. 141.

(101) Comme l’écrivain guatémaltèque, Gomez Carrillo, qui lui consacra tout le chapitre « À Pont-à-Mousson, la bombardée » dans son livre Parmi les ruines. De la Marne au Grand Couronné, Paris, Berger-Levrault, 1915, p. 340-353.

(102) Léon Maccas, Les cruautés allemandes. Réquisitoire d’un neutre, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1915, p. 73.

(103) Sur le thème de la sacralisation et de l’instrumentalisation du patrimoine, voir les numéros 23 / 2014 et 25 / 2014 de In-Situ. Revue des patrimoines et le catalogue de l’exposition 1914-1918. Le patrimoine s’en va-t-en guerre, Paris, Norma Éditions, 2016.

(104) Exposition d’œuvres d'art mutilées ou provenant des régions dévastées par l'ennemi. Organisée sous le patronage du sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts par la ville de Paris sur l'initiative du "Journal", Paris, 1916, p. 53.

(105) Arsène Alexandre, op. cit., p. 119.

(106) Texte de la citation de la Légion d’honneur.

(107) Philippe Bruant, « Les bombardements de Nancy durant la Première Guerre mondiale », Études touloises, 2014, n° 148, p. 19-23.

(108) René Mercier, Nancy bombardée, Paris, Berger-Levrault, 1918, p. 198-200 et 241-244.

(109) Jean-Claude Laparra, Christian Pautrot, Arsène Felten, Patrice Loiseleux-Ramos et Eugène Nabunsky, 1916-1917. Quand la marine impériale bombardait Nancy. Le centenaire du « Gros Max » de Hampont, Nancy, Gérard Klopp Éditeur, 2016, 100 p.

(110) Stéphane Audouin-Rouzeau et Gerd Krumeich, « Le canon de Paris : symbole d’une guerre totale ? », dans Nicolas Beaupré, Gerd Krumeich, Nicolas Patin et Arndt Weinrich, La Grande Guerre vue d’en face : vue d’Allemagne, vue de France, 1914-1918. Nachbarn im Krieg : Deutsch Sicht, Französisch Sicht, Paris, Albin Michel, 2016, p. 156-162.

(111) Philippe Martin, « Verdun », dans Philippe Martin et François Roth (dir.), Mémoire et lieux de mémoire en Lorraine, Sarreguemines, Éditions Pierron, 2003, p. 177.

(112) Antoine Prost, « Verdun », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, tome 2: La Nation, Paris, Gallimard, 1986, p. 111-141. Antoine Prost et Gerd Krumeich, Verdun 1916. Une histoire franco-allemande de la bataille, Paris, Tallandier, 2015, p. 183-257.

(113) Par exemple, Malcolm Brown, Verdun 1916, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2009, p. 151-159.

(114)  Jérôme Estrada de Tourniel et Jean Montacié, Verdun, mémoires de guerre (843-1552-1792-1870-1916-1944-1967), Strasbourg, Les Éditions du Quotidien, 2015, p. 257-258.

(115) À l’instar de la commune d’Allemagne dans le Calvados, qui prit en 1917 le nom de Fleury-sur-Orne.

(116) Emmanuelle Danchin, op. cit., p. 261.

(117) Philippe Martin, op. cit., p. 180.

(118) Jean-Charles Cappronnier et Elsa Marguin-Hamon, « La Grande Guerre du patrimoine », dans Philippe Poirrier (dir.), La Grande Guerre. Une histoire culturelle, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2015, p. 259.

(119) John Horne et Alan Kramer, op. cit., p. 365-403 et 443-444.

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Date de dernière mise à jour : 03/03/2019