Abbé Léon Vouaux - 1re Partie

Évêché de Nancy et de Toul

 

Nous autorisons très volontiers l'impression et la publication de ces pages émouvantes consacrées par la piété fraternelle à l'une des premières et des plus nobles victimes de la guerre en Lorraine.

  1. L. Jérôme, Vic. Gén.

 

Nancy le 26 août 1925

Onzième anniversaire de la mort

de l'abbé Léon Vouaux.

 

 

Au très cher

Abbé Léon Vouaux.

 

Grand mort, pure et touchante victime, vos parents et amis, tous ceux qui attendaient tant de votre vie en pleine maturité, auraient-ils pu rêver pour vous plus splendide trépas?

Jadis vous étiez l'étudiant sympathique à tous ses camarades et par tous admiré pour ses exploits intellectuels. A Baccarat, Laître et Jarny, vous apparaissiez comme le meilleur des fils et le plus tendre des frères. Qui vivait à vos côtés, admirait en vous un brillant compagnon d'existence. Ah ! Sans doute, vous voliez chaque année de victoires en victoires, mais pacifiques entre toutes. Maître plein de zèle, vous entraîniez, - avec quel succès, la Malgrange ne l'a pas oublié, - les élèves parfois les moins doués, l'assaut du baccalauréat. En même temps, toujours en éveil, aussi fine que sûre, votre intelligence polyphile et  infatigable s'élançait comme en se jouant vers les provinces les plus dissemblables du savoir humain. Lettres sacrées et profanes, histoire, philosophie et sciences de la nature, rien ne vous était étranger. Dans les vieux textes et à travers maintes langues, sous les ombres de la forêt comme à la clarté du microscope, vous couriez à la recherche de la lumière. Votre âme de prêtre estimait servir Dieu en aimant ainsi le beau et le vrai. Déjà l’homme d'église qui écrit ces lignes vous voyait là où il s'était proposé de vous faire arriver, malgré toutes les résistances de votre modestie, dans une chaire d'une université catholique; déjà il se réjouissait à la pensée qu'enfin vous pourriez donner toute votre mesure ; déjà il applaudissait vos leçons, vos œuvres et vos découvertes.

Or, le 26 août 1914, sur la route de Verdun à Metz, sous les balles de l'ennemi, vous tombiez frappé à mort pour avoir commis le crime d'aimer la France et d'avoir charge d'âmes.

Vous regretter ? Tous nous serions tentés de le faire. Mais si l'homme n'existe que pour glorifier son Créateur dans la perfection et la félicité, force est bien d'en reconnaître qu'au pays de la béatifiante vision seulement, vos facultés peuvent pour jamais s'épanouir dans tout leur éclat.

Vous plaindre ? Ah ! Certes non, loin de nous pareille pensée. Sans doute, ici bas, vous auriez formé de nombreux élèves ; mais pour Jarny et la France, vous demeurez à jamais un professeur de vertu. Vous auriez composé des ouvrages aussi doctes qu'agréables ; aucun chef-d’œuvre ne saurait valoir votre mort. Par vos travaux littéraires et vos apports scientifiques, vous auriez acquis un nom qui n'aurait pas été oublié :Vous avez trouvé mieux : en un instant par les cimes du sacrifices, vous avez atteint les portes du paradis.

Que faire donc ? Recueillir vos leçons et vous prier. Ah ! Si la grâce n'avait pas dompté votre puissante nature, quel défi eût jeté votre dernier regard ; avec quel frisson de révolte votre corps eût bravé vos bourreaux et de quel mépris votre âme les eût accablé ! Mais les dépositions des témoins l'attestent : Chrétien, prêtre et pasteur, voilà ce que vous fûtes à l'heure suprême, avec une touchante sérénité. Ayant regardé la mort bien en face, vous l'avez vue venir sans trouble ni défaillance. Autour de vous étaient vos paroissiens destinés au même supplice, et vous aviez résolu de leur prêcher par votre calme l'abandon à la divine volonté. Sans doute vous pensiez au coup qui demain frapperait au cœur votre frère, mais vous saviez que Dieu le consolerait. E vous songiez que l'Allemand était là : il fallait lui apprendre comment sait mourir un prêtre français. C'est ainsi que soutenu par la grâce d'en haut, l'âme fixée sur la croix du Sauveur, vous êtes tombés en bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Il nous est facile de deviner quelles furent vos dernières pensées : << Seigneur, que votre volonté soit faite et non la mienne ! Je remets mon âme entre vos mains. Pardonnez-moi mes offenses comme je pardonne à ceux qui me tuent. Faites toujours mieux sentir à mon frère que vous êtes son frère, et recevez mon sang pour la France.>>

Tout était consommé : votre vie sacerdotale se réalisait pleinement : prêtre et victime, n'aviez-vous pas plus que jamais le droit de dire : Introïbo ad altare Dei : Je monterai à l'autel du Seigneur !

Ce psaume, cette messe sanglante, vous les achevé dans le ciel, s'il est vrai que livrer en ce monde sa vie pour Dieu, c'est par lui la retrouver en l'autre. Aussi, après vous avoir contemplé, cher abbé Vouaux, tout naturellement nous tombons à genoux. Ceux qui en cette paroisse, en ce diocèse, en cette France où vous avez rendu le dernier soupir, doivent chaque jour peiner, combattre et s'immoler au service des causes pour lesquelles vous êtes mort, votre famille dans le sang et vos frères du sacerdoce vous implorent avec confiance pour les âmes et pour la patrie.

 

 

Charles Ruch,

Évêque de Strasbourg.

 

 

 

 

 

 

 

Une victime des Allemands à Jarny

 

Le 25 novembre 1915, dans la séance solennelle où l'Académie Française attribuait pour la première fois tous ses prix littéraires aux écrivains déjà victimes de la guerre, le rapporteur, M Étienne Lamy, terminait ainsi une partie de son discours :

<< Pour fermer la marche sainte de ceux qui se sont donnés par une immolation de plus en plus infinie, voici le prêtre : un prêtre dont la simplicité a connu, dès le premier pas, sa route, son amour, son maître, et qui a écrit, comme il a vécu, pour Dieu.

L'abbé Léon Vouaux était un lorrain de la frontière. Il professait au collège de la Malgrange; un peu d'aide prêtée à son intelligence l'avait aisément conduit à la licence ès-lettres (et à l'agrégation). Il satisfait à la fois sa piété et son avoir par l'étude de l'antiquité chrétienne ( et des sciences naturelles ). Une docte étude sur les Actes de Paul, une des légendes apocryphes par lesquelles l'imagination populaire tenta, dès le IIme siècle, d'embellir la vérité, avait valu au commentateur l'estime des bons juges.

<< Il avait un frère, prêtre comme lui, et, près de lui, curé de Jarny. Le 1er août, le curé était appelé sous les armes, et le professeur prenait à Jarny la place de son frère. Le 8, Jarny était occupé par les Allemands avec des retours offensifs de nos troupes ; les ennemis se vengent de leur insécurité sur la population de Jarny, et l'abbé Vouaux se trouve défenseur de la ville. Il l'est dix-sept jours. Mais tout embarras qu'il donne aux brutalités des occupants accroît leurs griefs contre lui. Le 25 août, il est arrêté comme otage et sous l'accusation, qui ne trompe personne, d'avoir, de son clocher, tiré sur les Allemands. Il ne comparaît devant aucun tribunal, il apprend qu'il sera fusillé le lendemain. Après avoir demandé des juges qu'on lui  refuse, il se tait, et, portant sa cause au Juge des sentences iniques, n'a plus de regards que pour son bréviaire et son crucifix. Ainsi quitta le monde, le 26 août 1914, Léon Vouaux, né en 1870. Sa vie de quarante quatre ans s'étendit comme un signe de paix entre deux dates de guerre, et il mourut de la haine que soulève chez les Allemands le patriotisme des prêtres français.>>

 

De cet hommage émouvant, les pages qui suivent sont un simple développement.

 

 

Au temps de Paix

 

La Vie

 

Léon Vouaux vécut d'une guerre à l'autre, en Lorraine, à proximité de la frontière. il naquit à Baccarat, le 25 février 1870, et fut assassiné à Jarny le 26 août 1914 (1).

De 1883 à 1892 les séminaires de Pont-à-Mousson et de Nancy l'initièrent à l'enseignement secondaire et théologique. Il était ordonné prêtre le 15 octobre 1893.

(1) Tragique destinée de ses horizons lorrains! Baccarat, incendié en grande partie ; Pont-à-Mousson, bombardé sans arrêt ; Nancy, toujours exposée, souvent frappée ; le plateau d"Amance, théâtre d'une lutte acharnée et sanglante (son frère, curé de Laitre sous Amance, l'y recevait chaque semaine et durant les vacances : dans leurs recherches entomologiques ils ont parcouru en tout sens le plateau et ses abords); le collège de la Malgrange, transformé en hôpital militaire ; Jarny, mitraillé, incendié, cause de sa mort!

Faut-il signaler que même les feuilles manuscrites de son étude sur les Actes de Pierre, confiées à M. l'abbé Amann, alors aumônier militaire, qui voulait bien corriger les épreuves, furent enfouies par un obus dans les ruines d'Arras

Sauf l'année qu'il passa comme étudiant à Saint Sigisbert, il fut, le reste de sa vie, professeur au collège de la Malgrange.

Le goût personnel de l'Abbé Vouaux l'aurait porté plutôt vers la philosophie. Ses supérieurs lui demandèrent de préparer la licence ès-lettre. Il l'obtint à l'Université de Nancy en 1895. Puis il fut placé dans ce qu'on appelait alors << l'enseignement moderne >>.

Après les classes soit de lettres, soit de mathématiques, après la correction minutieuse des copies des élèves, le professeur se délaissait en étudiant les sciences naturelles, plusieurs langues vivantes, en préparant le concours d'agrégation de grammaire, dont il subit le épreuves avec succès en 1895.

Il était parvenu à lire couramment l'allemand, l'anglais, l'italien, l'espagnol et pour le russe et l'arabe ne se servait plus guère du dictionnaire. Il pouvait même, disait-il un jour, concevoir ses pensées en allemand... Hélas! ceci ne lui fut pas une sauvegarde!

La puissance et la qualité de son travail intellectuel ont été appréciées. Que de notes, que de matériaux accumulés par l'abbé Léon Vouaux ! En 1912, il commençait seulement à les coordonner, dans les sciences naturelles comme dans les études exégétiques. Mais tous s'accordent à reconnaître la richesse et l'agrément de sa conversation, aussi bien les professeurs de Faculté que les humbles paroissiens de son frère.

<< Il sut se concilier estime de ses maîtres et de ses condisciples par son caractère affable et modeste, par son esprit large, également éloigné du pédantisme, de la vaine controverse et de toute polémique agressive. (Notice de M Paul Vuillemin :  Voir plus loin.(1)) >>.

(1) Dans un discours que reproduit le Bulletin de la Malgrange, M le Chanoine Pertusot, supérieur de l'Institution, apprécie ainsi son enseignement : << Dans la chaire de rhétorique il montra dès le premier jour une compétence parfaite qu'avaient préparée ses fortes études universitaires, et il excella dans l’éducation des esprits. Sa manière, celle aussi qu'il voulait inculquer, était claire, sobre, réfléchie, ennemie comme Montaigne de la " suffisance pure livresque ", et soigneusement tenu au courant des publications utiles et des progrès de la critique. Chez ses élèves, rien ne le réjouissait autant qu'un sincère effort de pensée personnelle, d’originalité dans les idées ou l'expression. Il trouvait pour flageller l'inertie des fainéants et la légèreté des freluquets des mots tantôt sévères, tantôt moqueurs , d'un réalisme énergique, pleins d'une sève populaire, et toujours efficaces ...>>

Non, l'abbé Vouaux ne visait pas à paraître; et il ne s'inquiétait nullement des appréciations superficielles à son sujet. Ses qualités sacerdotales n'en étaient pas moins solides et lui permirent de résister à plus d'un choc, surtout quand l'autorité ecclésiastique ne crut pas pouvoir l'autoriser à quitter le diocèse d'abord pour la Faculté de Toulouse, où Mgr Batiffol songeait à l'appeler, et ensuite pour Paris.

Sa bonne humeur habituelle s'aiguisait cependant, mais contre les fanfarons et les vaniteux. Lui, si simple, si peu "poseur", maniait habillement la pointe

Dans ses classes la bonhomie se changeait en indignation, parfois virulente, contre la paresse et les prétentions de certains élèves (1). Et il faut bien dire aussi que les travers préjudiciables aux intérêts des études et du collège, que les injustices de toute sorte provoquaient vite sa verve vengeresse.

L'abbé Léon Vouaux se confiait peu, même à ses confrères. Mais son abord un peu malicieux cachait une sensibilité profonde, dont il se réserva, après la mort de son père, en 1894, toutes les effusions et les plus grandes délicatesses à sa mère, qu'il appela toujours << maman >>, et à son frère. Quand à son tour la mère tant aimée disparut en octobre 1913, le fils resta inconsolable : toute allusion au passé familial lui arrachait encore des larmes en août 1914.

 

 

Les Œuvres

 

SYNOPSIS DES CHAMPIGNONS PARASITES DES LICHENS, (Bulletin de la société mycologique de France : tomes XXVIII-XXX, 1912-1914).

LES ACTES DE PAUL ET SES LETTRES APOCRYTHES, (Letouzey et Ané, 1913, In-8 de 400 pages). Ouvrage couronné par l'Académie Française en 1915).

LES ACTES DE PIERRE. ( Letouzey et Ané, 1922, In-8 de XII- 484 pages).

Ses études littéraires et sa connaissance des langues vivantes, ses promenades dans la campagne, entre ses classes et durant le temps des vacances, devaient singulièrement stimuler l'amour de la vérité, l'esprit d'observation de l'abbé Léon Vouaux. S'il avait le travail facile, il savait aussi employer son temps, tour à tour traduisant les auteurs étrangers, fouillant les apocryphes du Nouveau Testament, se livrant aux recherches d'entomotolie et de mycologie. (1)

(1). Son tempérament intellectuel se montre encore dans ce menu fait. Vers 1900, l'Abbé avait préparé une thèse de doctorat sur Lacordaire ; il amassait peu à peu la somme nécessaire pour l'impression, quand parut un article de Revue avec quelques idées analogues aux siennes. Sans plus tarder, il renonça à son projet de soutenance et jeta au feu son manuscrit.

Révélons enfin que le Dr Vaney, ancien interne des hôpitaux , se plaît à répéter qu'avec son ami il s'entretenait d'anatomie et de physiologie humaines comme avec un de ses érudits collègues; et qu'en juillet 1914, Mgr Tisserand s'était assuré le concours de l'abbé Léon Vouaux pour la traduction d'un manuscrit vieux slave contenant un apocryphe de l'Ancien Testament.Liste des inscrit au pantheon de paris

 

 

Le Catalogue des coléoptères de la chaîne des Vosges et des régions limitrophes, de MM. Bourgeois et Scherdlin, en particulier dans le deuxième supplément, dédié par une délicate attention à la mémoire du disparu, consigne les heureuses trouvailles des abbés Vouaux. Grâce à elles, la connaissance de la faune de la Lorraine à été augmentée : la présence d'assez nombreuses espèces et variétés nouvelles en cette région fut signalée et confirmée.

Quand à l'entomologie plus approfondie, Léon Vouaux avait déjà collationné tout ce que les revues françaises, anglaises, italiennes, russes et allemandes ont publié sur l'ordre des Cétoniides ??. Et la révision de ce groupe de coléoptères devait occuper les loisirs des vacances de 1914. Bon nombre de ces notes ont disparu dans le pillage du presbytère de Jarny.

Mais c'est surtout en mycologie que ce chercheur infatigable révéla sa valeur scientifique. Nous allons laisser le soin de l'apprécier à M. P Vuillemin, professeur à la Faculté des sciences de Nancy, Correspondant de l'Institut : on ne pouvait le faire avec plus de précision et de meilleure grâce ( 1).

(1) Bulletin de la Société mycologique de France, tome XXXI, 1915.

<< S'il ne rechercha pas d'autre grade scientifique que le baccalauréat, l'abbé Léon Vouaux se sentait attiré vers l'histoire naturelle, qu'il cultiva avec passion à ses heures de loisir. Sa vocation fut éveillée par l'influence d'un linéchologue distingué, M. l"abbé Harmand, son collègue à la Malgrange; elle reçut une nouvelle impulsion des conseils du professeur Le Monnier, dont il fréquentait le laboratoire à la Faculté des sciences. Il était membre de la Société mycologique de France depuis le 5 mars 1903 et avait participé à la fondation du groupement lorrain de notre société.

<< L'abbé Léon Vouaux avait beaucoup observé, beaucoup comparé, beaucoup compulsé les auteurs; mais s'il élargissait indéfiniment, par un travail acharné, le champ de ses connaissances, il sut se soustraire à la décevante vanité des publications hâtives. C'est seulement en 1912 que paraissent coup sur coup des œuvres de large envergure, dénotant un esprit en pleine maturité, rompu aux disciplines les plus variées ...

<< Le labeur scientifique de Léon Vouaux est condensé dans le <<Synopsis des Champignons parasites des Lichens>> paru en sept fascicules comprenant 373 pages dans notre Bulletin (t. XXVIII-XXX) de 1912 à 1914.

<< Le nom de Vouaux n'était pas jusqu'alors inconnu des spécialistes. Depuis 1909 il est souvent cité dans les notes lichonéologiques parues dans le Bulletin de la Société botanique de France, sous les noms du Dr Bouly de Lesdain, de MM. Pittard et Harmand, dans Les lichens de France, de M. l'abbé Harmand. Il communiquait libéralement ses trouvailles à ceux qu'il appelait ses maîtres et accompagnait ses envois de remarques judicieuses montrant qu'il était passé maître à son tour. Aussi se vit-il confier par de nombreux correspondants le soin de déchiffrer les formes litigieuses qu'il était le plus apte à classer méthodiquement. L'abbé Léon Vouaux était prêt à tirer le meilleur parti du riche matériel qui venait sans cesse accroître le produit de ses recherches assidues. Il avait en effet le rare avantage de connaître également bien les Lichens et les Champignons, deux groupes dont chacun suffit à défrayer l'activité d'une vie entière.

<< Une grande prudence est apportée dans les rectifications que les faits nouveaux imposent à la classification. L'abbé Léon Vouaux adopte celle qui lui semble la moins mauvaise, montrant une fois de plus que l'esprit français, le premier ouvert à toutes les innovations, est le dernier à rompre avec les traditions.

<< Le Synopsis n'est pas une sèche énumération. Chaque description d'espèce, accompagnée d'une riche documentation bibliographique, est l'objet de critiques sagaces, fondées le plus souvent sur des observations antérieures. L'auteur possède à fond son sujet, à tel point que, pour les formes, relativement peu nombreuses, qu'il n'a pas étudiées par lui-même, il est capable d'indiquer les lacunes, les erreurs probables, qui doivent en faire considérer plus d'une comme douteuse ou séparée sans raison suffisante des espèces légitimes.

<< Le programme modeste annoncé dans l'avant-propos est largement rempli. Grâce à des indications précises et claires, non seulement sur ce qui a été décrit, mais encore sur de nombreuses découvertes personnelles, telle que trente-six espèces nouvelles, sans compter les espèces inédites ou publiées antérieurement sous la signature de Vouaux, le Synopsis offre une vue d'ensemble permettant de classer les trouvailles, de discerner les caractères distinctifs bien marqués, en évitant la multiplication exagérée des prétendues nouveautés et des synonymies.

<< Cette œuvre de patience, digne d'un bénédictin, porte l'empreinte d'un esprit accessible aux audaces de la synthèse. Une simple note nous berçait de l'espoir qu'elle était le prélude d'un travail de plus haute envolée: <<Il ne s'agit pas d'étudier le parasitisme en lui-même, ce qui exigerait un travail particulier... Ces questions de parasitisme sur le Lichens, de para symbiose et même de saprohytisme sont loin d'être élucidées. On ne possède encore que des observations éparses, qui ne permettent même pas de distinguer toujours l'un de l'autre ces différents états. J'en ai rassemblé quelques autres; mais j'en voudrais une provision moins pauvre.>>

<< On retrouve dans ces paroles, qui sont hélas! un testament, la hantise qui sollicitait cette noble intelligence à s'élever toujours plus haut. Léon Vouaux avait rêvé d'apporter sa contribution aux problèmes les plus ardus de la biologie; assurément elle eût été lumineuse. Avec sa conscience scientifique, il se jugeait encore insuffisamment préparé; mais avec son ardeur inlassable à recueillir les faits et à les ordonner méthodiquement, il nous réservait une œuvre définitive dans ce nouveau champ où déjà s'orientaient ses recherches.

<< Pourquoi faut-il qu'une mort brutale soit venue tarir dans sa source une production déjà féconde et riche de promesses? Les éminentes qualités reflétées dans le Synopsis permettent d'inscrire le nom de Léon Vouaux sur la liste des grands botanistes dont s'honore la science française.

<< La mycologie est cruellement frappée par l'inique attentat dont notre confrère vient d'êtres victime. Notre Société s'associe au deuil causé à tous les amis du progrès par la fin prématurée de l'abbé Léon Vouaux. Devant cette figure modeste, nimbée de la gloire du héros et du martyr, nous nous inclinons avec un profond respect. >>

 

***

 

Dans un ordre d'idées toutes différentes, l'abbé Léon Vouaux participait à la publication des Apocryphes du Nouveau Testament, sous la direction de MM. Bousquet et Amann.

Deux études lui furent confiées. La première sur Les Actes de Paul, fut publiée en 1913. La deuxième, sur Les Actes de Pierre, ne put être imprimée qu'en 1922.

Dans la préface de cette dernière, M. l'abbé Amann écrit :

<< Le présent volume qui fait suite aux Actes de Paul, parus en 1913, était complètement terminé au début 1914. Le 26 juin on en commençait l'impression. Deux mois plus tard, le 26 août, l'auteur, l'abbé Léon Vouaux, tombait sous les balles allemandes...

<<  C'est une perte considérable que fait le clergé de France en la personne de l'abbé Léon Vouaux. Travailleur passionné, esprit puissant, cerveau méthodique, il était de  ceux qui font admirablement bien tout ce qu'ils touchent. Aucun domaine du savoir humain ne lui était fermé, et il s'assimilait avec une incroyable facilité les connaissances les plus diverses...

<< Sur les affectueuses instances de Mgr Ruch, aujourd'hui évêque de Strasbourg, alors vicaire général de Nancy, il s'était mis, assez tard on le voit, à l'étude de l'ancienne littérature chrétienne. Ses Actes de Paul, parus en 1913, montrèrent tout de suite quelle précieuse recrue venait de faire la cause du passé chrétien. Le livre qui paraît aujourd'hui renforcera, nous n'en doutons pas, cette conviction. A comparer les deux volumes, on verra combien la pensée de l'auteur s'est précisée, condensée, affermie. De part et d'autre on trouvera la même connaissance minutieuse des tenants et des aboutissants du sujet, mais, dans le présent volume, qu'il s'agisse de l'étude du problème littéraire, on sentira combien la question est donnée de haut, avec quelle maîtrise elle est traitée. Si la Providence l'avait permis, Léon Vouaux aurait été demain une des personnalités marquantes dans le domaine de l'ancienne littérature chrétienne... >>

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Date de dernière mise à jour : 06/08/2023